Starlight
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Situé au coeur du désert de Morroc, le Temple de la Lumière Stellaire est protégé par de terribles tempêtes de sable...redécouvert par Dézidéria et Draven, il constitue maitenant le bastion des Starlight. Vous pénétrez dans notre demeure...
 
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 Froid-Dur

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Maegwin

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MessageSujet: Froid-Dur   Froid-Dur EmptyJeu 3 Aoû 2006 - 12:47

Froid-Dur



« - Monseigneur, le Connétable vous attend. »

La frimousse piquetée de taches de son du page se découpait dans l'entrebâillement de la porte. Le regard curieux du gamin papillonna dans la pièce tendue de crêpe sombre, où seules quelques chandelles apportaient une clarté vacillante. Les volets tirés et les lourdes tentures de velours noir qui masquaient les fenêtres empêchaient toute espèce de lumière, et les meubles, dissimulés sous des draps poussiéreux, se dressaient ça et là, tels des fantômes pâles et immobiles.

« - Fais-le patienter, » répliqua une voix dure.

Le page referma la porte et le bruit de ses pas trottinant sur le dallage de marbre décrut petit à petit.
La personne qui venait de prononcer ces mots était assise dans le fond de la pièce, sur un tabouret encore recouvert de sa housse blanche, devant un petit guéridon. Son visage était dissimulé sous un heaume, et sa cuirasse lui donnait un air imposant. Sa cape d'un bleu un peu passé retombait derrière lui, en larges plis souples. Une large épée ceignait son côté, dont le pommeau d'argent luisait dans la pénombre.

Le guerrier termina le billet qu'il était en train d'écrire, le plia en huit et le cacheta au moyen d'un bâton de cire noire et de la lourde chevalière qui ornait son annulaire gauche. Puis il enfila les gants de cuir souple qu'il avait posé sur la tablette marquetée, et se mit debout, en jetant un coup d'œil circulaire dans la pièce, à travers la mince fente de la visière de son casque.

« -Enfin, de retour chez moi… » murmura-t-il.

Avisant les bougies posées non loin de lui, il pinça entre le pouce et l’index leur mèche incandescente, et se retrouva plongé dans une pénombre que seule la lumière de la lune perçant à travers les rideaux venait troubler.
Il s’avança devant le haut miroir, encastré dans le trumeau qui surmontait la cheminée où voltigeaient quelques cendres éparses, et, appliquant ses mains fermement de chaque côté de son casque, ôta le lourd heaume de sa tête. Délicatement, il le posa sur la tablette de la cheminée, à côté d’un vase de prix.

Ses yeux habitués à voir dans la nuit dévisagèrent le visage pâle et imberbe qui se reflétait dans la glace ; des pupilles dilatées, d’un bleu d’encre, délicatement bordées de soie sombre – il cligna, et ses cils projetèrent une ombre sur ses joues. Il passa fébrilement une main sur les méplats de ses pommettes hautes, sur son menton fin et pointu. Un nez droit et fier, un peu trop grand, et un front lisse et blanc, sous des cheveux couleur corbeau coupés à ras, achevaient de donner à ce faciès un air un peu trop sévère pour être doux, mais un peu trop lisse pour être véritablement marqué par les années.

Pourtant, le Capitaine de guerre Thaddaeus d’Occam, Commandant en second des forces armées du roi de Midgard Haakon III, était un guerrier qui avait à maintes reprises prouvé sa valeur au combat. Seul fils de Lord Thorwalt d’Occam, unique survivant d’une famille qui avait vu tous ses membres disparaître dans des circonstances tragiques, il avait mis sa soif de revanche et son épée au service de son roi.

Un grattement contre la porte fit sursauter Thaddaeus ; d’un mouvement vif, il recoiffa son casque, et chercha l’origine du bruit ténu qui persistait ; une main sur son épée, il ouvrit brutalement la porte… Mais tout ce qu’il aperçut fut la queue d’un rat un peu trop curieux, qui courut se mettre à l’abri dans un trou creusé au bas de la plinte du mur.

« - Il faudra songer à dératiser cette vieille baraque, » grommela-t-il ; et d’un pas décidé, il s’engagea dans le vaste couloir, éclairé par la lumière des torches qui se reflétaient dans le marbre blanc et poli du sol.

**
*



Le Connétable Jarl de Sevker était assis dans un vaste fauteuil de brocard vert, à côté d’une cheminée où crépitait un bon feu. Le domestique lui avait proposé un verre d’alcool de genièvre, qu’il avait décliné : ce breuvage blanc lui donnait des nausées qu’il était difficile de combattre, à son âge.
Il contemplait une gravure finement exécutée qui représentait un Harfang, l’emblème de la maison d’Occam, lorsque le maître des lieux entra soudain dans la pièce, sa cape voltigeant derrière lui.

La petite taille de son Capitaine de guerre en second étonnait toujours le Connétable, ainsi que cette manie qu’il avait de ne jamais quitter son harnachement.
La rumeur voulait qu’il ait été défiguré lors de ce terrible incendie survenu dans la propriété du frère du roi, et où Thyria d’Occam – la sœur cadette de Thaddaeus – avait finalement trouvé la mort. Mais le vieux Sevker n’avait jamais pu vérifier cette allégation, et cela ne l’empêchait pas de trouver bien des bizarreries dans le comportement de son lieutenant.

« - Vous voilà, Occam. »

« - Monseigneur… »

Thaddaeus mit un genou en terre et baisa la chevalière de son supérieur.

« - Trêve de simagrées, Occam… »

Voilà une autre chose qui l’agaçait au plus haut point ; entre frères d’armes, au diable le cérémonial ! Mais ce bougre de petit Occam s’obstinait à lui rendre respectueusement ses devoirs, alors même qu’il était l’un des Capitaines les plus respectés du royaume. Humilité mal placée ou respect des convenances, Jarl de Sevker n’avait pas réussi à trancher, même après plus de dix années passées à servir le même étendard.

Occam se releva, et darda sur le Connétable un regard indéchiffrable sous le heaume de fer.

« - Je sais que vous êtes rentrés dans vos terres depuis fort peu de temps, Occam. »

« - Je suis rentré il y a une heure, monseigneur, ce qui explique ma tenue si peu appropriée pour vous recevoir, » répondit tranquillement Thaddaeus.

Sevker haussa les épaules ; peu importait la situation, Occam trouvait toujours une raison de justifier son étrange accoutrement. Mais là n’était pas la question.

« - J’ai reçu hier un émissaire du roi ; Haakon veut reprendre la guerre contre la République Schwaltzvalt. »

« - Mais elle est à peine terminée ! Le traité a été signé il n’y a pas même un mois, mes troupes sont casernées, et je reviens de Prontera à l’instant. Il est impossible de recommencer une nouvelle campagne, ce serait ridicule ! Le royaume ne pourra pas fournir un effort de guerre supplémentaire. »

Comme à chaque fois que le Capitaine s’emportait, sa voix montait dangereusement vers les aigus sous le coup de l’émotion, mais Jarl de Sevker n’y prêta pas attention. Il lissa sa tunique de cuir brun d’un mouvement raide, et passa une main gênée dans ses courts cheveux blancs. Son visage figé n’exprimait rien.

« - Je sais, je sais tout cela aussi bien que vous, Occam. Mais le jour où le roi mon cousin a fait de moi son Connétable, j’ai fait le serment de mener pour lui toutes les batailles que son souverain vouloir désirerait mener. Vous êtes Chevalier, Occam. Mais êtes-vous un homme d’honneur ? »

Thaddaeus d’Occam tressaillit sous l’effet de l’apostrophe brutale du vieux guerrier. Mais la voix fatiguée du Connétable trahissait ses inquiétudes ; Haakon était un roi dur et orgueilleux. Du haut de son trône d’où dépassaient les masses de chairs de son corps obèse, il faisait régner sur sa Cour et sur son pays un état de terreur permanent, et les midgardiens miséreux se terraient dans des villes nauséabondes, bien éloignées des fastes d’antan. Il était impossible de s’élever contre Haakon – à peine de mort.

Jarl de Sevker savait tout cela ; il savait aussi que cette nouvelle déclaration de guerre, menée contre une nation riche et forte, signifiait la probable fin de Midgard ; avait-il le droit d’emmener ses hommes fatigués et affamés dans cette nouvelle tuerie ? Avait-il le droit d’arracher Thaddaeus d’Occam, l’homme pour lequel il avait le plus d’estime en ce royaume pourri, à la douce quiétude de son domaine enfin retrouvé ?

« - Connétable, vous savez que j’ai donné mon épée au royaume ; je mènerai cette guerre avec vous. »

Le vieux Connétable poussa un soupir de lassitude. Il plaqua sa main tannée par l’exercice et par les combats sur l’épaule de son lieutenant, et la serra convulsivement.

Alors Thaddaeus ajouta, d’une voix moins compassée :

« - Je suis à vos ordre, Jarl, vous le savez ; commandez, et disposez. Je puis partir ce soir, si vous le désirez. »

« - Je vais à la Cour, implorer Sa Majesté de se montrer clémente envers ses soldats ; et puis, nous rejoindrons la frontière. La République ne s’attend pas à cette offensive absurde, nous aurons peut-être l’avantage une semaine ou deux, avant que le gros de l’armée républicaine ne rapplique. »

Thaddaeus hocha la tête.

« - Alors, nous nous reverrons à la Cour, Jarl. »

**
*



Haakon III de Midgard passa une main blanche et molle sur l’accoudoir recouvert de velours rouge de son fauteuil. Devant lui, un genou en terre, se tenait le Connétable du Royaume.

Son cousin avait l’air vieilli, songea Haakon. Il n’était plus aussi résistant qu’avant ; les jérémiades qu’il venait de lui servir prouvaient que sa vaillance et son âpreté avaient décru. Peut-être fallait-il songer à nommer un nouveau Connétable et à trancher la tête de celui-ci.

Haakon piocha distraitement dans le compotier finement ciselé posé à ses côtés et s’empara d’une poignée de cerises qu’il happa dans son énorme bouche, avant de saisir un crachoir afin d’y laisser tomber les noyaux assortis d’un filet baveux entre ses lèvres grasses.

« - Je ne vois pas quels sont les problèmes, mon cousin. La République me nargue, elle doit être punie. L’armée a eu quelques semaines de repos, cela suffit amplement à tout homme de valeur. Et si d’aventure il y en a pour protester, vous connaissez le code martial ; je ne vous apprends pas votre métier, Jarl. Les ordres doivent être exécutés. »

Haakon avait débité tout ceci sur un ton parfaitement monocorde, comme si ce qu’il venait de proférer était une remarque légère sur le temps qu’il faisait. Mais Jarl de Sevker n’était pas assez bête pour ne pas saisir l’allusion à peine marquée. Tout manquement à la volonté royale signifiait la mort, à quelque niveau que ce soit.

Jarl acquiesça et demanda d’une voix unie la permission de se retirer ; le roi fit un signe négligent d’approbation avant de se carrer dans son siège et de claquer des doigts pour faire venir ses domestiques. Un bain de pied chaud lui enlèverait de l’esprit cette petite contrariété. Il lui en coûterait de faire mourir son cousin – le fils de sa tante Brùn ! cette vieille chipie – mais si la raison d’Etat l’exigeait…

Par qui remplacer le Connétable ? Haakon se rongea l’ongle de l’index droit pendant que les servantes s’affairaient autour de ses pieds, les baignant et les parfumant dans le bassin de cuivre rempli d’eau chaude.
Il fallait un homme dévoué, brave, loyal, respecté et aimé par l’armée. Un Capitaine sans histoire, qui ferait ce que Haakon lui demanderait sans poser de questions ridicules, comme le faisait Jarl.
Que diable Haakon pouvait-il changer aux problèmes d’approvisionnement, d’épidémie, de famine et d’épuisement que l’armée rencontrait ? Il était roi, pas médecin, cuisinier ou marchand.

Haakon sentit la colère le reprendre et ordonna qu’on lui apporte d’autres chaussons de soie pour envelopper ses pieds encore humides. D’un geste brusque d’une puissance inouïe pour un tel monceau de graisse, il envoya valser une jeune soubrette aux yeux clairs qui tremblait en attachant les cordons de ses chausses. Sa tête cogna violemment contre un pilier et elle étouffa un cri de douleur. Deux valets l’aidèrent à se relever et l’emmenèrent hors de portée de l’ire du roi ; la peur se lisait dans leurs yeux.

« - Calme-toi, Haakon, et réfléchis », murmura le roi entre ses dents en poussant un soupir.

Si Magnus avait été là, il aurait été de bon conseil.
Magnus, son frère cadet, le seul capable de lui redonner confiance en lui lorsqu’ils étaient petits et que Haakon se faisait sévèrement admonester par leur père ou par leurs précepteurs.
Magnus aurait été un Connétable de premier rang. Il était doux, spirituel, plein de bravoure et de rigueur.

Mais depuis que Haakon avait ordonné l’incendie de la demeure de son frère, il y avait plus de vingt ans de cela, dans un accès de jalousie, Magnus n’était plus là pour le conseiller. Et il ne se passait pas une journée sans que Haakon ne regrette la disparition de son cadet.

Il se rappela la vue du palais carbonisé, l’odeur âcre et désagréable qui lui avait saisi les narines, lorsqu’il avait été voir par lui-même ce tombeau carbonisé qui était son œuvre. Il s’était enfui, ravalant ses larmes, trompant sa tristesse avec des petits pains au miel et des pâtisseries. Il était encore mou et facilement impressionnable, à cette époque.

Un autre souvenir toucha son esprit vagabond ; il revit la forme imposante et la démarche lourde de la silhouette se découpant derrière la fumée des cendres encore chaudes du château de Magnus, serrant entre ses bras les lambeaux d’un vêtement bleu et le portrait noirci de deux enfants aux yeux marines, avant de s’effondrer au sol.
Il vit encore l’armure, le cimier calciné du heaume, et surtout, il entendit à nouveau résonner le cri – un cri effroyable, presque inhumain, un cri de douleur et de rage, de souffrance et de haine, du seul survivant du désastre. Le chevalier, les deux genoux au sol, le casque tourné vers le ciel, hurlait comme un dément – et lui Haakon, caché derrière les voiles de crêpe qui fermaient sa chaise à porteur, il tremblait de peur et exigeait que l’on rentre à Prontera, au Palais Royal, vite.

Occam. C’était lors de cet incendie qu’il avait perdu sa sœur, Thyria. Magnus s’était entiché de cette sotte ; les dieux savaient qu’Haakon ne désirait pas sa mort plus que celle de Magnus. Mais au moins, ces deux là n’étaient plus en mesure de lui mettre des bâtons dans les roues. C’était lui, le roi.
Pas Magnus.

Occam. Un homme redoutable. Il ferait un excellent Connétable. Si Jarl revenait bredouille de cette campagne contre l’orgueilleuse République Schwaltzvalt, Haakon nommerait le petit Occam Lord Connétable, c’était décidé.

**
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MessageSujet: Re: Froid-Dur   Froid-Dur EmptyJeu 3 Aoû 2006 - 12:49

« - Monseigneur ? »

L’inflexion interrogative du Capitaine ne trahissait pas la moindre impatience, et pourtant Jarl de Sevker savait que Thaddaeus attendait impatiemment le résultat de son audience avec Haakon.
Le Connétable adressa un rictus à son vis-à-vis.

« - Vous pouvez dire à vos hommes de faire leurs paquetage, Occam. Nous partons demain. »

Thaddaeus ne répondit rien ; s’il était déçu, il n’en laissa rien voir et inclina seulement la tête avant de se diriger vers le mess des officiers. Jarl se retint de pousser un soupir. Il se faisait trop vieux pour ce genre de chose ; et cette fois-ci, il avait l’impression de marcher droit vers le suicide, et d’y emmener toute son armée avec lui.

« - Thor me pardonne, » supplia-t-il pour lui-même.

Il aurait du s’interposer entre Haakon et le peuple de Midgard. Il aurait du empêcher ces guerres. Mais tant des proches du roi avaient déjà disparu pour laisser place à la folle démence du souverain, qu’il n’était pas un jour sans que Jarl ne se réveille avec la crainte de voir arriver un escadron pour l’arrêter et le condamner pour trahison.

Haakon n’était pas un roi guerrier ; son poids lui interdisait l’équitation et il était d’une déplorable lenteur au combat. Sa frustration s’exprimait par des décrets royaux aussi farfelus que stupides. Dès le début de son règne, il avait interdit aux femmes de porter l’armure et l’épée – alors que sa défunte mère elle-même était l’une des plus fines lames du royaume. Des régiments entiers de l’armée avaient été démantelés, et de nombreuses guerrières avaient été contraintes de reprendre une vie civile, à peine de pendaison.

Les hommes, par contre, étaient tenus d’effectuer un service militaire de cinq saisons dès leur quinzième année ; et avec les guerres continuelles menées par Haakon, rares étaient ceux qui rentraient dans leurs familles et retrouvaient un métier. De fait, Midgard manquait cruellement d’artisans et de fermiers, ce qui plongeait le pays dans une ruine encore plus précipitée, s’il en était besoin.

Forcément, si les femmes avaient pu se battre, le contingent aurait été plus important et en meilleur état, et l’affaire aurait pu être vite pliée. Mais c’était inutile de se lamenter sur le sujet.

Jarl mis un terme à sa méditation et se dirigea vers l’armurerie. Un crachin désagréable tombait du ciel et la boue des baraquements militaires exhalait un relent nauséabond de crottin et de détritus. Tout était sale, ici. Personne n’entretenait plus rien, puisque personne ne vivait plus dans les casernes de la Capitale plus de deux mois d’affilé.

« - Hé, toi ! »

Le vieux Connétable héla un lad à l’air famélique qui passait par la courtille pour se rendre à l’armurerie avec un harnachement dans les bras.

« - Peux-tu dire à Snorri que nous partons demain ? Tout doit être prêt ! »

Une fugace expression de désarroi passa sur le visage du gosse avant d’être remplacée par une moue fataliste. Le cœur de Jarl se serra. Le mioche devait avoir quoi, quinze, seize ans ? L’âge qu’aurait eu son Jormünd s’il avait vécu…

Un vent froid le fit frissonner, et il resserra sa cape autour de ses épaules, la main fermement appuyée sur son épée pour s’empêcher de trembler.

« - Enfin quoi, Jarl ressaisis-toi, que diable, » se morigéna-t-il.

Une bonne nuit de sommeil, et puis il reprendrait le chemin de la guerre. Ce qu’il avait toujours fait, en somme.

**
*



Assis près d’un brasero sur un tabouret bancal, Thaddaeus regardait les flammes danser en une folle sarabande. Il porta à ses lèvres le verre qu’il tenait serré dans la main, et le remplit à nouveau de l’alcool de genièvre que contenait le pichet posé non loin de lui.

Dans un coin de la tente, Olaus de Malpighia, son écuyer, briquait une armure consciencieusement.

La journée avait été rude ; trois jours qu’ils chevauchaient, et ils avaient fini par apercevoir le sommet du Mont Mjöllnir. Le temps était à la neige et au brouillard, mais des estafettes avaient indiqué que la République se préparait à repousser l’attaque et avait massé ses hommes un peu avant Al de Baran. La bataille aurait lieu plus tôt que prévu.

« - Je ne t’ai jamais demandé pourquoi tu avais désiré continuer à me servir alors que ton père est mort au service du mien, » demanda brusquement Thaddaeus en se levant et en commençant à faire les cent pas.

Olaus leva la tête ; les confidences de son Capitaine étaient rares, il avait appris à leur donner beaucoup d’importance, et les considérait comme des marques d’amitié.

« - Mon père Egill de Malpighia était l’écuyer de Lord Thorwalt ; ils sont morts tous les deux en combattant d’ignobles créatures et je ne considère pas que suivre votre père ait été pour le mien signer son arrêt de mort. Je considère au contraire que cela lui a permis de vivre et de servir un homme d’honneur, tout comme je le fais auprès de vous. »

Olaus se remis à frotter le métal de la cuirasse. Thaddaeus se rassit et se resservit un verre ; Olaus fronça les sourcils. Cela ne ressemblait pas à son seigneur de boire autant la veille d’une bataille.

« - Je ne suis pas un homme d’honneur, Olaus. La bataille de demain va être une boucherie sans nom. Nous allons y perdre notre vie, et le roi s’en moque. »

Olaus, mal à l’aise, ne répondit rien. Thaddaeus se mit à rire.

« - Tu ne dis rien ; tu es inquiet, n’est-ce pas ! Tu te demandes ce qu’il me prend de proférer de pareilles paroles. Si le roi ou l’un de ses espions m’entendait, je ne donnerai pas cher de ma peau. »

« - Monseigneur, il est tard et vous combattez demain. Vous feriez peut-être mieux de vous coucher. »

« - Tu as raison Olaus, comme toujours. »

Avec un dernier ricanement sec, Thaddaeus releva un pan de la tente et lança :

« - Je vais prendre l’air. A tout à l’heure, fidèle écuyer. Prépare ma couche. »

Olaus soupira. Son Capitaine craignait chaque nouvelle bataille, et pourtant, à chaque fois il les remportait avec panache.
Mais cette fois-ci, c’était différent. Ce n’était pas l’appréhension qui avait motivé ces paroles étranges.

Au bout de dix ans de combats côtes à côtes, Olaus avait appris à apprécier l’homme étrange et taciturne qu’était devenu Thaddaeus d’Occam depuis l’incendie qui lui avait retiré, avec sa sœur, le dernier membre de sa famille.
Sa manie de ne jamais retirer son armure, ses sautes d’humeur, ses craintes qui le rendaient presque hystérique avant un nouvel affrontement, ses colères aussi fulgurantes et dévastatrices qu’instantanées, il avait appris à les respecter. Thaddaeus d’Occam était adulé de ses hommes, et Olaus comprenait pourquoi ; il émanait de lui une sorte de charisme froid, une sorte de manière d’envisager les choses sous un angle différent, qui en faisait un chef aimé et suivi.

Olaus appelait ce mélange hors norme « la folie froide » de Lord d’Occam. Et les soldats eux même désignaient leur chef par le sobriquet affectueux de « Froid-Dur ».

« - Seigneur Olaus ! »

L’écuyer s’arrêta net de nettoyer l’armure et tendit l’oreille.

« - Seigneur Olaus ! »

Il sortit de la tente, et le vent glacial des montagnes lui fit l’effet d’une gifle. Une neige un peu sale tapissait le sol et du ciel tombaient des flocons mi-glace, mi-pluie.
Olaus se dirigea vers l’endroit d’où venait la voix, et s’arrêta net lorsqu’il distingua une forme allongée sur le sol, la tête tourné vers les étoiles, à l’extérieur du campement militaire.

« - Seigneur Olaus ! »

Snorri Haraldsen, le maître armurier, accoura et prit le bras de l’écuyer d’un mouvement saccadé, en chuchotant nerveusement :

« - Ah, vous avez vu aussi. C’est Froid-Dur – enfin, je veux dire, le Capitaine Thaddaeus. Il prétend qu’il veut dormir ici. Qu’est-ce qu’il se passe ? »

Olaus sentit une sueur froide lui couler dans la nuque.

« - N’aie crainte, Snorri, et dis aux autres d’aller dormir. Une journée de combat nous attend demain, ne gâchez pas votre énergie ! Le Capitaine a désiré observer les étoiles ce soir – vous savez comment il est. Et vas te coucher, toi aussi ! » ajouta-t-il en beuglant comme l’armurier ne bronchait pas et essayait de lorgner sur le corps allongé de son Capitaine.

Lorsque tous se furent éloignés en marmottant, Olaus s’approcha de Thaddaeus, toujours étendu dans la neige sale.

« - Vous allez bien, monseigneur ? »

Un rire lui répondit. Et brusquement, sans prévenir, le Capitaine se mit sur son séant et ôta son casque. Olaus eut un moment de recul ; jamais il n’avait pu contempler le visage de son Seigneur depuis l’incendie. Il s’était imaginé que le lourd heaume camouflait des cicatrices et des balafres, mais rien ne l’avait préparé à voir ce qu’il avait devant les yeux.

Un visage blanc et imberbe, avec ces deux yeux sombres qui le fixaient sans aménité.

« - Tu ne devines rien, Olaus ? »

Sans le casque qui la déformait, la voix de Thaddaeus paraissait étonnement fluette, bien qu’un peu rauque. Incapable de se détourner de ces traits fantomatiques qui ne cadraient pas avec le visage carré et brun de ses souvenirs, Olaus resta un moment silencieux. Et lorsque qu’il parvint à reprendre la parole, ce fut pour articuler :

« - Monseigneur, votre couche vous attend… »

Le Capitaine rit encore, de ce même rire froid et inquiétant. Il tenait une flasque à la main, qu’il déboucha. Une fois sa rasade lampée, Thaddaeus tourna à nouveau vers son écuyer ses yeux couleur de nuit.

« - Tu ne devines toujours pas, hein ? »

Olaus fit un geste pour ramasser le heaume toujours posé dans la neige – mais Thaddaeus fut plus rapide que lui et s’en empara violemment, tout en tirant son épée du fourreau et en l’appliquant sur la jugulaire de son écuyer :

« - Ne touche plus jamais à ça, Olaus », gronda-t-il.

Olaus sentait la panique l’envahir. Et si le Capitaine était devenu complètement fou ? Fallait-il en informer Lord de Sevker ?

Et d’un seul coup, une flopée de souvenirs assaillirent Olaus ; il se revit, gamin, jouant dans les jardins de la propriété de Lord d’Occam. Son père l’avait amené pour le présenter à son Seigneur ; et il avait passé l’après-midi à jouer avec les deux enfants de Lord Thorwalt : Thaddaeus, et… Thyria.

Olaus mit un genou en terre.

« - Pourquoi vous être cachée aussi longtemps, ma Dame ? »

Cette phrase sembla la pétrifier ; l’épée manqua tomber de sa main. Elle ouvrit la bouche comme pour commencer un long récit, mais se ravisa. Enfonçant son casque sur son crâne, elle articula sèchement :

« - Un mot de tout ceci, Olaus, et je te tue. »

Elle s’éloigna d’un pas lourd, sa cape pleine de la neige qui y avait laissé des traces sales, pendant qu’Olaus, le visage ravagé par les larmes, restait à genou en maudissant Haakon et la folie des hommes.

**
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MessageSujet: Re: Froid-Dur   Froid-Dur EmptyJeu 3 Aoû 2006 - 12:49

Au petit matin, la corne militaire qui l’éveilla fit également remonter à la surface de l’esprit d’Olaus les révélations de la veille. Il ouvrit les yeux et se découvrit allongé dans la boue, recroquevillé et grelottant, après ces courtes heures de sommeil inconfortable qu’il venait de passer.

« - Et bien Malpighia, la nuit a été bonne ? »

Le Connétable Jarl de Sevker et son écuyer, Anskar de Vettern, le toisaient d’un air ironique. Olaus se mis debout prestement, malgré les plaintes de ses muscles endoloris par la nuit passée au froid, et salua le Connétable.

« - Nous cherchons Lord d’Occam, savez-vous où je puis le trouver ? »

Olaus eut un moment d’hésitation ; elle devait être en train de passer en revue ses troupes avant la bataille.

« - Je crains qu’elle ne soit – enfin, qu’il ne soit en train de procéder à l’inspection, Seigneur Connétable. »

Olaus rougit ; sa bévue menaçait-elle que l’on découvre le pot aux roses ?

Mais une fois sa réponse obtenue, le vieux guerrier tourna les talons et le laissa planté là, sale et dégouttant de neige fondue, aux côté d’Anskar.

« - Et bien mon vieux, on dirait que tu as pris dix ans, » fit ce dernier avec un faible sourire.

Olaus déglutit. Ils avaient tous peur du combat imminent, c’était évident. Autour d’eux, le campement était déjà démonté, les soldats en rangs. L’armée était crasseuse et fatiguée, mais elle avait quand même une sacrée allure avec toutes ces gueules couturées et ces portes étendards usés. Midgard pouvait être fière de ses hommes – et de ses femmes se rappela-t-il le cœur chaviré.

Avec l’aide d’Anskar, il revêtit sa cuirasse et son heaume, sella son canasson et galopa vers les régiments du Commandant en second. Thyria l’accueillit d’un léger hochement de tête lorsqu’il se plaça à ses côtés.

Derrière une crevasse de la montagne, on entendait déjà crier les hurlements bestiaux des guerriers républicains. Dire qu’on les disait plus civilisés que les midgardiens… Olaus eut un sursaut de dédain.

Lorsque Thyria chargea en hurlant, il fit de même, oubliant tout, ne songeant qu’à cette énergie froide et redoutable qu’elle savait leur transmettre à tous. Obnubilés par le sang à faire couler, par la bataille à gagner, par les ennemis à vaincre.

« - THOR ! »

Le nom de la divinité guerrière fut reprise par toutes les gorges ; le combat devint une mêlée sanglante, et Olaus perdit vite la notion du temps. Aux côtés de Thyria, il taillait, tranchait, encore et encore. Sa lourde épée dans une main, son bouclier de l’autre, de taille et d’estoc, invariablement, inlassablement.

Le soleil commençait à décliner derrière l’imposante montagne porteuse du nom du marteau de Thor. La fatigue commençait à gagner les combattants ; l’armée midgardienne tenait bon, malgré des pertes nombreuses ; Jarl de Sevker avait tablé sur l’effet de surprise, il avait eut raison.

Olaus passa une main gluante de sang entre les fentes de son heaume pour chasser la fatigue. Il jeta un regard au ciel dégagé, rosi par le crépuscule. Il ne neigerait pas ce soir, c’était une bonne nouvelle.

Et puis il y eut ce cri de douleur ; Olaus tressaillit.

Il était trop tard lorsqu’il arriva, elle était déjà tombée de sa monture. Un groupe de soldats républicains, amassés comme des mouches autour d’elle, s’apprêtaient à lui porter le coup de grâce.

« - Non ! »

Il galopa vers elle, la peur au ventre ; les soldats ennemis le regardèrent en ricanant et s’enfuirent, non sans avoir planté leurs piques aux jointures de l’armure de son Capitaine. Cette armure qu’elle avait portée si longtemps… Olaus réussit à en rattraper deux qu’il expédia dans l’Haut delà d’un coup bien appliqué dans leur poitrine maigrement protégée par une tunique de cuir bouilli.

Mais il n’eut pas le cœur de rattraper les autres. Il revint vers Thyria, et se laissa tomber à ses côtés, envahit d’une nausée incoercible.

« - Tu seras après moi le premier parmi les vassaux de Lord d’Occam, Olaus ; à la Maison de Malpighia incombe la tâche de ne jamais laisser notre suzerain seul dans l’adversité. Souviens-t-en. »

La voix de son père résonna dans le cœur d’Olaus. Un bien piètre écuyer, qu’il faisait ! Fille ou pas fille, femme ou pas femme, c’était son seigneur qui allait mourir à cause de son inattention !

Elle était étendue par terre, avec ces fichues piques plantées dans sa cuirasse. Une estafilade saignait abondamment entre le heaume et le gorgerin. Avec des larmes de rages, il essaya de retirer les lances fichées dans ses genoux, mais cela fit s’échapper des grognements de douleur de la gorge de Thyria. Alors, avec mille précautions, Olaus ôta le casque de sa suzeraine.

« - On va venir vous soigner, ma Dame. Ca va aller. »

Elle eut un sourire qui découvrit ses dents rougies de sang.

« - C’est pour cela que j’avais si peur avant les batailles ; car personne ne peut me soigner sans découvrir ce que je suis réellement. Haakon m’aurait tué s’il avait su. »

« - Je vous emmènerai en République Schwaltzvalt, je vous cacherai, mais vous allez survivre, je vous le promet ! »

« - Non, Olaus, non. Nous ne sommes pas des déserteurs, ni toi, ni moi. »

Une lueur métallique passa dans ses yeux. Elle hoqueta et une goutte de sang vint perler à la commissure de ses lèvres.

« - Olaus… »

Elle s’agrippa au col de son écuyer.

« - Oui, ma Dame, dites… »

« - Thaddaeus… Je dois te dire… Je l’ai tué… Pardon… »

Olaus crut un moment que le délire s’était emparé d’elle.

« - Il faisait si chaud… J’ai vu Thaddaeus mettre le feu dans les combles du château… Il disait que le roi lui avait demandé de supprimer Magnus – et… »

Olaus prit sa respiration.

« - Je lui ai dit que Haakon était un mauvais roi ; il m’a répondu que j’étais un traître. Un traître Olaus ! Le feu était partout… il y avait l’épée de Magnus, là, dans le hall. Je l’ai tué, Olaus, je l’ai tué ! »

Elle avait la voix hystérique des mauvais jours. Ses bras aussi solides que des lianes noueuses l’agrippaient et le secouaient comme un prunier.

« - J’ai essayé de ne pas ternir l’honneur de ma Maison, mais je n’ai pu enrayer ce que mon frère avait déjà commencé. Pitié, Olaus, pardonne moi ! »

Olaus ne su que répondre ; il caressa la tête rasée de la guerrière agonisante. Autour de lui, les combats s’étaient presque arrêtés, l’on comptait les morts de chaque côté.

Lorsqu’elle expira, Olaus lui ferma doucement les paupières ; puis, doucement, il enleva de la main désormais rigide de Thyria l’épée de la Maison d’Occam, à la lame frappée du Harfang.
Et, le visage fermé, en jetant un dernier regard au ciel couleur d’ecchymose fraîche, armé de l’épée, il s’ôta la vie.

**
*



« - Le roi est dans un état de rage incroyable ! Il est choqué que vous n’ayez rien décelé, Connétable. Il vous faut vous rendre à Prontera le plus vite possible, afin que vous puissiez lui rendre des comptes. Quant à la dépouille de cette traîtresse, elle restera ici ; on n’enterre pas les séditieux. »

Les mots du messager royal tournaient et retournaient dans la tête de Jarl de Sevker ; il revoyait la tête blonde du jeune Malpighia, et le crâne presque chauve de Thyria d’Occam, sur le sol boueux où coulaient des rigoles de sang.

La rage lui brouillait la vue.
Nul ne saurait un jour ce qu’il c’était passé dans cet incendie, mais plus il y pensait, plus Jarl était certain que Haakon avait trempé dans la mort de son frère.
Ainsi que dans celle des deux valeureux guerriers qu’il avait vu étendus, raides, dans le froid du Mont Mjöllnir.

Il était temps que cela cesse.
La milice dévouée de Haakon était avec l’armée, là-haut, attachée aux rares arbres du Mont Mjöllnir par des poignards fichés dans leur poitrine. Jarl aurait aimé que Haakon se rendisse compte des folies qu’il mettait en œuvre. Mais Haakon ne se rendait jamais compte de rien.

D’un coup de pied rageur, il ouvrit la porte de la salle du Trône. Haakon roupillait, la tête penchée, sur son fichu fauteuil rouge.

« - Haakon ! »

Ce dernier ouvrit un œil hébété – avant de se reprendre :

« - Ah, vous voilà, cousin. Je dois vous dire que je suis très mécontent… »

Mais il n’eut pas le temps de finir. Jarl de Sevker tira son épée encore rougie du sang des soldats républicains.

« - Et moi, je suis venu vous dire que votre règne est fini. »

Le gros corps du roi tomba du fauteuil sans un bruit, lorsque Jarl retira l’épée.

« - En voilà toujours un qui ne risque pas de devenir Einherjar », soupira-t-il.

Son regard croisa celui d’une servante, cachée derrière un pilier. Elle avait l’œil gauche entièrement noir, et diverses marques de coups sur les bras. Il lui fit un clin d’œil, auquel elle répondit par un faible sourire.

**
*



« - Mais c’est impossible ! Dites-moi que je rêve ! »

Anskar de Vettern tempêtait comme un beau diable. Qu’allait-il bien pouvoir raconter au Connétable ?

« - Une dépouille, cela ne disparaît pas comme cela ! »

Et pourtant, il fallait se rendre à l’évidence : le corps de Thaddaeus – enfin, Thyria, mais Anskar avait encore du mal à imaginer que le Froid-Dur qu’il avait toujours connu était en réalité une Dame – avait bel et bien disparu. Une petite tombe, propre et nette, avait été creusée à côté de celle d’Olaus de Malpighia, mais les restes du Commandant demeuraient introuvables.

« - Vous êtes sûr que vous avez bien vérifié qu’aucun soldat fétichiste ne l’a emmené dans son paquetage ? » ironisa Snorri.

Anskar lui décocha un regard noir.

« - Bon, tant pis, on se tire. Mettez un sac de sable dans la tombe, et rebouchez. Allez ! »

Pendant que Snorri et ses hommes s’affairaient, Anskar jeta un coup d’œil circulaire sur le champ de bataille. Lord de Sevker allait revenir d’ici peu, avec des nouvelles en provenance de Prontera. Avec un peu de chance, on pourrait régler les choses à l’amiable avec la République et quitter cette montagne maudite.
Anskar n’avait jamais aimé la montagne, de toutes les façons. Les propriétés de sa famille étaient situées dans les environs de Comodo, et le jeune homme bronzé n’avait jamais éprouvé la moindre affinité avec les glaces sinistres du lieu.

Comme pour lui donner raison, un flocon de neige s’abattit sur sa manche et mouilla son bras. Saleté de temps, saleté de froid.

« - Seigneur de Vettern ! »

La voix de Snorri avait un accent effrayé qui lui donna soudain la chair de poule. La sensation humide qui s’étalait sur son bras devint plus intense. Il regarda sa manche et lâcha un juron. Ce n’était pas de la neige, mais des grosses gouttes de liquide noir qui tombaient du ciel, maculant le sol et leurs vêtements de larges taches d’un bleu foncé. Un éclair scintilla, suivi d’un grondement de mauvais augure. La montagne trembla sous leurs pieds.

« - On décolle, les gars, ON DECOLLE ! »

Abandonnant le trou qu’ils étaient en train de reboucher, Snorri et les autres ne se le firent pas dire deux fois. Ils n’avaient pas plutôt quitté l’endroit qu’un éclair s’abattit sur la cavité, faisant voltiger des éclats de pierre et de terre gelée un peu partout.

Les milliers de soldats de l’armée midgardienne en déroute se replièrent sans se retourner, tant bien que mal, en un chaos indescriptible.
Et personne ne vit fleurir sur la tombe improvisée de Lord Thaddaeus d’Occam – ou plutôt de sa sœur -, d’étranges fleurs bleues à l’aspect dérangeant, tandis que rugissait la colère de Thor, frappant sur son enclume, sous une averse d’encre couleur de nuit.
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